Interview : « Green Kommon est le mariage de deux mondes qui parlent la même langue de l’engagement citoyen »

A l’initiative de Pot Kommon (réseau de lieux culturels de Plaine Commune), le projet Green Kommon est porté par deux coopératives de Plaine Commune  : l’une dans le champ culturel, La Main, Foncièrement culturelle, et l’autre dans les énergies citoyennes, Plaine Énergie Citoyenne.

L’objectif de Green Kommon : accélérer la transition écologique dans et autour des lieux culturels, grâce à des boucles d’énergie locale entre producteurs et consommateurs.

Fin septembre, Géraldine Dauvergne, bénévole PEC et journaliste, a interviewé Vincent Guimas, chef de projet de Green Kommon et Juan Teruel, vice-président de Plaine Énergie Citoyenne.
Ils nous racontent Green Kommon : cette aventure qui commence.

Quels ont été vos parcours jusqu’ici ?

Juan : Je suis ingénieur, et me suis installé en France il y a quatre ans. A Saint-Denis, j’ai découvert un tiers-lieu, le 6B, et l’Usine à Gazon, un jardin partagé, géré par Laurent Servières, qui était aussi président de Plaine Energie Citoyenne. C’est ainsi que je suis devenu bénévole pour PEC, il y a deux ans. Le projet Green Kommon m’a tout de suite beaucoup intéressé, parce qu’il touche aux deux mondes que j’ai découverts ici, à Saint-Denis : les tiers-lieux, et l’énergie citoyenne. 

Vincent : Issu d’un double cursus de  formation, juriste et design urbain, j’ai piloté ou accompagné ces dix dernières années des projets de création et de recherche-actions qui interrogent la diversité de pratiques de l’écologie en milieu à forte densité de population : fabrication et consommation locales, métabolisme de villes, habitat, mobilités, agriculture et bien sûr, énergie. Ce sont des sujets que j’ai travaillés à différentes échelles de coopération territoriale, du voisinage de quartier aux coopérations européennes.  La vision Green Kommon est une rare et précieuse expérimentation pour conjuguer deux communautés qui nourrissent des promesses et ambitions très similaires sans le savoir : l’énergie solaire au service de la création et la création au service de la transition. La diversité du monde de la création sera-t-elle  capable de composer de nouveaux récits, de trouver les nouvelles tactiques d’acculturation, de rendre visible l’invisible, nos rapports à l’énergie ? J’en suis convaincu et nous le prouverons.

Comment est né Green Kommon ? 

Vincent : Juliette Bompoint – figure engagée du monde de la Culture –  qui a notamment dirigé la friche artistique Mains d’Œuvres à Saint-Ouen et porté avec le projet Périféeries 2028 la candidature Capitale européenne de la Culture pour la Ville de Saint-Denis, Plaine Commune et le Département. Le projet Green Kommon, qui s’appuie sur le réseau de lieux culturels du territoire “Pot Kommon” (le 6b, la Villa Mais d’Ici, Les Poussières et la Main) est né d’un constat et d’une question. La hausse du coût de l’énergie après l’invasion de l’Ukraine par la Russie a mis en péril, de nombreuses structures culturelles dans des situations financières déjà compliquées. Comment  conjuguer les enjeux du monde de la Culture et ceux des communautés d’énergie locale dont le représentant est Plaine Energie Citoyenne (PEC) ?

Juan : Juliette Bompoint nous a contactés pour soutenir son initiative, car PEC avait déjà installé des centrales photovoltaïques dans deux écoles, à Epinay-sur-Seine et à Saint-Ouen. En tant que bénévole chez Plaine Energie Citoyenne, je suis allé défendre aux côtés de Juliette notre candidature dans l’appel à projet «Alternatives Vertes », organisé par la Caisse des Dépôts, le ministère de la Culture, et le ministère de la Transition écologique. Et nous avons réussi : Green Kommon est l’un des projets lauréats !

Vincent : Le projet est soutenu par la banque des territoires, le secrétariat général pour l’investissement et le ministère de la Culture. Ce fond nommé « Alternatives Vertes » s’élève à hauteur de 1,4 million d’euros pour un budget global de 2,7 millions d’euros. Parmi les autres financements, nous pourrons aussi bénéficier du programme européen Driving Urban Transitions (DUT) d’un montant de 250 000 euros.

Juan : Ces financements, que nous avons obtenus, s’échelonnent jusqu’à 2027. Mais le projet ne s’arrêtera pas là. Nous trouverons de nouveaux financements, auprès de fondations par exemple. Et nous comptons aussi sur le bénévolat pour le faire vivre. 

Quel est le rôle de Plaine Energie Citoyenne, dans le consortium ?

Juan : Plaine Energie Citoyenne, ce n’est pas seulement la pose de panneaux solaires. C’est aussi de la sensibilisation, de l’éducation. Nous ne sommes ni des experts, ni une société de production d’énergie. Nous apportons notre expérience du développement de centrales. Nous connaissons les limites, les difficultés et les défis de ce type de projets. Nous avons aussi envie d’expérimenter autre chose. 

Quel est l’objectif de Green Kommon ? 

Juan : L’objectif de la candidature est de créer un fonds d’énergie culturel, structure juridique qui serait développeur et fournisseur d’électricité en autoconsommation individuelle (ACI) et autoconsommation collective (ACC) pour les lieux culturels et des bâtiments situés à proximité. Les bénéfices de ce fonds serviront pour financer et soutenir le monde de la culture. Nous voudrions à terme réussir l’installation de plus de 1 MWc, mais nous savons que c’est un objectif ambitieux. Il y aussi objectif de raconter une histoire, de parler aux gens, de les intéresser au sujet, de démocratiser l’énergie. Quand on pense à l’énergie, on pense trop souvent à des choses négatives : le changement climatique, la précarité … Le domaine de l’énergie ne parle pas encore à tout le monde. Il nous manque le narratif. Or le monde de la culture sait parler aux gens.

Vincent : L’objectif de Green Kommon est d’abord de faire prendre conscience au monde culturel qu’on peut agir sur le coût de l’énergie en mobilisant sa communauté. Un autre objectif au cœur du projet est la constitution d’un fonds d’énergie culturel grâce à la capacité de ces centrales, et d’offrir à un secteur très fragilisé la possibilité de soutenir la création dans les tiers-lieux culturels.
D’autres territoires vont regarder très attentivement ce qui se passe à Plaine Commune, en France mais aussi en Europe. Sur le long terme, nous souhaitons construire une alliance des communautés de l’énergie citoyenne et de de la culture – qui ne se connaissent pas toujours, mais qui parlent la même langue de l’engagement citoyen. Tant de choses les rapprochent.

Comment le fonds Green Kommon va-t-il se développer ? 

Vincent : A terme, Green Kommon doit produire collectivement plus d’énergie que les lieux culturels et résidences artistiques du territoire n’en consomment. Les bénéfices réalisés iront sur le fonds d’énergie culturel géré conjointement par les différentes communautés engagées. Ce fonds de dotation dédié à la Culture doit offrir aux créatifs les moyens de concevoir et produire de nouveaux narratifs – sonores, performatifs, picturaux, écrits, ou déambulatoires – au service de nos transitions. Les toits du territoire sont la promesse d’une nouvelle diversité de points de vue.


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